On dit d’écrire ce que l’on sait, et les cinéastes puisent leur inspiration dans leur vie personnelle depuis les débuts de cette forme d’art. Alejandro G. Iñárritu est le dernier à réaliser un film à peine romancé à partir de sa propre vie et de ses expériences avec Bardo, fausse chronique d’une poignée de vérités. Ces récits d’autofiction ne sont-ils qu’une tendance ou sont-ils devenus un genre à part entière ? Comment s’en distinguer parmi cette pléthore de films ?
Pour Iñárritu Bardo, on peut commencer par y reconnaître une comédie absurde, avec des allusions au film de Federico Fellini 8½. Au lieu d’un réalisateur, le remplaçant d’Iñárritu est Silverio Gama (Daniel Giménez Cacho), un journaliste et documentariste de renommée mondiale qui traverse une crise de la quarantaine assez intense. Après avoir passé les deux dernières décennies loin de son Mexique natal, il est de retour pour recevoir une récompense prestigieuse, renouer avec sa famille et ses amis et bien sûr pour examiner pourquoi il est parti (et ce qu’il a perdu) en partant. Viennent ensuite sa femme Lucía (Griselda Siciliani), sa fille d’une vingtaine d’années Camila (Ximena Lamadrid) et son fils adolescent Lorenzo (Íker Sánchez Solano), chacun aux prises avec ses propres crises. Lucía, comme Silverio, pleure toujours leur fils décédé alors qu’il était bébé. Camila et Lorenzo, tout comme leur père, ressentent la tension entre l’ancien pays et le nouveau pays après avoir grandi en Amérique et ont perdu le sentiment d’appartenance au Mexique.
Iñárritu en lance beaucoup au public. C’est un film qui imagine un monde dans lequel Amazon a acheté l’État mexicain de Baja. Un monde qui imagine les gens tomber à terre alors qu’ils marchent sous le poids de l’histoire et de la politique. C’est un monde où parfois notre héros traverse Mexico et d’autres fois vole à travers le désert. Il est à la frontière américano-mexicaine dans des scènes qui ressemblent à un documentaire alors que Silverio enregistre le témoignage des immigrants qui traversent. Pourtant, d’une manière ou d’une autre, ce monde apparemment réel disparaît et nous nous retrouvons dans une histoire fantastique de saints religieux protégeant les mêmes immigrants. Certains personnages parlent sans bouger les lèvres dans une cascade visuelle discordante censée dire quelque chose sur leur capacité à communiquer. Dans Bardo tout le monde est un danseur fabuleux et un orateur verbeux. Les personnages se crient dessus en livrant de longs monologues qui font office de thèses sur la vie. Des batailles historiques sont recréées et des combats théoriques fantaisistes sont gagnés et perdus. Bardo exige que nous acceptions toutes ces envolées de fantaisie et d’imagination. C’est beaucoup et c’est épuisant. Mais parfois revigorant.
Le film prend vie pour la première fois lorsque Silverio visite une scène sonore pour enregistrer une interview télévisée. Tandis que la caméra de Darius Khondji suit Giménez Cacho, on découvre tout ce qui le concerne, restitué de manière époustouflante sur les moniteurs qui remplissent le décor. Ces longs travellings itinérants sont répétés plusieurs fois pour mettre en valeur les pensées les plus intimes de Silverio. Et c’est à ce moment-là que la vision d’Iñárritu prend tout son sens et que le public est à la fois diverti et ému. Dans ces cas Bardo devient quelque chose de spécial, voire de nécessaire. Dans ses conversations avec sa femme et ses parents alors qu’il parcourt les maisons, les déserts et les villes, Iñárritu est capable de restituer toute une vie en quelques spectacles saisissants.
Malheureusement, lorsqu’Iñárritu s’aventure du personnel vers le politique, il perd le contact. Paralysé par la culpabilité d’être un immigrant chanceux ayant un accès facile au monde, il est incapable de formuler un récit sauf en admettant très rudimentairement qu’il est conscient de son privilège. Les arguments qu’il présente sont inertes et faciles, surtout en comparaison de sa grande ambition visuelle, ou même de son récit doux et déchirant de la perte d’un fils en bas âge. Là en particulier, il est capable d’exploiter la comédie et le pathétique et de donner au public des visuels et des récits qu’il n’a jamais rencontrés auparavant. Bardo a un espace pour montrer un bébé refusant de naître et apparaissant plus tard hors du vagin de sa mère lors d’une scène de sexe. Certains publics peuvent trouver cette intrigue secondaire ridicule, et c’est le cas, mais elle est aussi émouvante et pleine de cœur.
Même si l’on croit avoir épuisé toutes les idées, Iñárritu continue de pousser et propose une configuration ingénieuse ou un motif visuel magnifique. Plus tard dans le film, nous avons droit à un épisode amusant dans lequel Silverio et ses enfants se disputent avec un agent frontalier américain qui refuse de reconnaître que les États-Unis sont leur foyer. Tous ceux qui sont passés par un aéroport en tant qu’« étranger » entrant aux États-Unis reconnaissent le caractère ridiculement inventif de cette scène. Personne ne combattrait un agent d’immigration parce qu’il détient les clés qui vous rendront la vie misérable. Pourtant, nous le voulons tous. Nous voulons être mieux traités, accueillis à bras ouverts. Tout comme Silverio. Mais la scène arrive si tard dans le film, après avoir été répétée plusieurs fois, qu’elle perd de son impact. Plus grave encore, il perd sa résonance satirique. Nous ne pouvons pas rire d’une blague quand nous connaissons la punchline, aussi intelligente soit-elle.
Dans le rôle central, Giménez Cacho assume une responsabilité délicate. Silverio est un observateur qui ne dit pas grand-chose. Il n’est pas appelé à porter le récit avec émotion, ce qui limite sa capacité à se connecter avec le public. Il a un physique facile qui le rend séduisant au centre du cadre, qu’il danse, marche ou écoute. Le personnage reste pourtant un spectateur de sa propre histoire.
Dense et laborieux, Bardo cela ressemble parfois à un test d’endurance. Ses moments d’éclat visuel le portent loin. Mais pas assez loin pour devenir un visionnement essentiel. Iñárritu a beaucoup à dire, la plupart très astucieux. Pourtant, il ne parvenait pas à rassembler de manière digestible tout ce qui le dérangeait.
Le texte ci-dessus est une traduction automatique. Source: https://www.avclub.com/bardo-false-chronicle-review-alejandro-inarritu-1849729249?rand=21406