Saint-Omer hante dès sa première image. Une femme tenant un bébé marche sur la plage en direction de la mer tandis que les vagues bruyantes submergent la bande sonore. Dans un autre endroit, une autre femme se réveille d’un cauchemar et appelle sa mère. En deux scènes précises, la réalisatrice Alice Diop pose avec clarté et assurance les enjeux de son histoire – la sélection de la France pour les Oscars dans la catégorie Long métrage international.
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Bientôt, nous sommes plongés dans les histoires de ces femmes. Tout d’abord, nous rencontrons Rama (Kayije Kagame), romancière et universitaire, aux prises avec sa relation complexe avec sa mère dépressive. Elle assiste également au procès d’une femme, Laurence Coly (Guslagie Malanda), accusée d’avoir tué sa petite fille en l’abandonnant sur une plage de la petite ville de Saint-Omer, dans le nord de la France. Diop, une documentariste qui fait ses débuts dans le récit, s’est inspirée d’un cas réel. En fait, toutes les scènes du tribunal suivent exactement les transcriptions du procès. Cependant, le film atteint son apogée émotionnelle par ce que Diop et ses co-scénaristes Amrita David et Marie Ndiaye choisissent de montrer ou de couper ces transcriptions.
Au début, Diop berce le public en lui faisant croire que nous sommes dans un drame judiciaire familier. Tous les personnages habituels sont présents, du juge calme et autoritaire au procureur un peu méchant à la voix criarde en passant par l’avocat de la défense aux manières exigeantes. Les procédures sont également familières ; le choix des jurés, faisant sortir l’accusée menottée, lui demandant de plaider coupable ou non coupable. Mais alors que nous nous installons dans l’attente, Diop et sa directrice de la photographie Claire Mathon coupent l’herbe sous le pied du public et nous plongent dans un bouleversement émotionnel.
À l’aide de plans longs et ininterrompus centrés sur les officiers de justice, les témoins et, plus particulièrement, sur Coly elle-même, Diop dévoile les véritables thèmes de son film. Ce drame judiciaire arraché aux gros titres sur un crime insondable est en fait une histoire empathique sur le traumatisme générationnel et les liens cachés mais irrévocables entre mères et filles. Diop s’en tient aux transcriptions du tribunal pour de grandes parties du récit, mais choisit d’omettre, par exemple, lorsque le procureur et le policier qui a procédé à l’arrestation se lancent dans un diagnostic psychologique de Coly basé sur ses antécédents et sa race. Au lieu de cela, Diop couvre leurs voix avec celles des femmes qui chantent. Ces hommes n’ont pas besoin d’essayer d’expliquer Coly lorsqu’elle est présente et qu’elle est plus que capable de le faire.
Beaucoup de Saint-OmerLa force de vient de la représentation stupéfiante de Coly par Malanda. C’est une performance d’une clarté rare et éclatante. Alors que Coly est appelée à raconter sa version de l’histoire, Malanda ne bronche jamais et livre de longs monologues d’une manière directe qui, d’une manière ou d’une autre, font également allusion à la vie et aux choix turbulents de cette femme. Son visage enregistre tellement de choses qu’elle nous fait comprendre bien plus que le dialogue franc tiré des transcriptions judiciaires. Elle nous fait comprendre Coly dans son ensemble, d’où elle vient et comment elle est arrivée là où elle est.
Saint-Omer fait quelque chose que peu de films sont capables de faire ; il dramatise les effets du colonialisme d’une manière très personnelle et compréhensible. Coly est née au Sénégal, une ancienne colonie française, mais a immigré en France au début de la vingtaine. Ceux d’entre nous qui viennent d’Afrique postcoloniale peuvent s’identifier à cette expérience. Nous avons grandi avec les vestiges de la culture coloniale encore présents dans les écoles, dans les processus gouvernementaux et même dans nos maisons. Les parents de Coly la supplient de parler français plutôt que wolof, pensant que cela lui ouvrirait de meilleures opportunités. Son professeur d’université est étonné qu’elle ait choisi de rédiger sa thèse sur le philosophe autrichien Wittgenstein et non sur quelqu’un de plus proche de sa culture. La presse ne cesse de dire qu’elle est « sophistiquée » parce qu’elle parle bien. Même les Français l’homme avec qui elle a eu un enfant la garde cachée, honteux de leur relation. Et entre ces micro et macro agressions, Coly ne trouve pas sa voie et se retrouve isolée et seule.
Diop ne juge jamais Coly et n’essaie jamais de lui arracher de la sympathie. Au contraire, elle invoque sa compassion pour sa situation en la liant à Rama, qui pourrait être considéré comme un remplaçant de Diop ou de l’un de ses collaborateurs d’écriture. Le portrait de la relation de Rama avec sa mère est lentement et magistralement révélé comme la raison pour laquelle elle est si attirée par Coly. La mère est une femme réservée avec laquelle Rama ne semble pas avoir de réel lien. C’est du moins ce qu’il semble. Le scénario, parallèlement à la performance sobre de Kagmae, prend son temps pour relier les points, faisant ainsi Saint-OmerC’est une récompense encore plus grande. Diop apporte beaucoup de détails sur la vie et les relations de Rama, mais avec un minimum de narration, révélant enfin des vies de traumatisme générationnel.
Il s’agit d’un texte riche, fortifiant pour les détails qu’il contient et pour ce qu’il excise. Son pouvoir vient d’un réalisateur qui sait exactement quelle histoire il veut raconter et comment bien la raconter.
(Saint-Omer ouvre dans certains cinémas le 13 janvier.)
Le texte ci-dessus est une traduction automatique. Source: https://www.avclub.com/saint-omer-movie-review-alice-diop-1849972622?rand=21406